La fin d’une histoire
Le 22 janvier dernier, j’ai découvert mon cheval (hongre arabo-espagnol de 22 ans encore très vaillant) mort au pied d’un arbre. Il avait une petite plaie au-dessus de l’œil gauche. Je me suis donc demandé si la cause de la mort était le choc contre cet arbre ou bien un malaise et qu’il aurait ensuite heurté le tronc dans sa chute. Quelques jours plus tard une voisine, à qui je racontais ces évènements, m’assurait qu’il s’était passé quelque chose d’anormal. Elle avait été le témoin d’une cavalcade effrénée de mes chevaux (j’avais deux juments également) comme s’ils avaient été effrayés par quelque chose. Et c’est vraisemblablement à la suite de cet évènement que l’accident s’est produit. On avait alors pensé qu’il pouvait s’agir de chiens errants. Deux chiens avaient en effet été aperçus dans les environs, un autre voisin avait même trouvé ses 5 moutons d’Ouessant tués dans leur prairie. La chose semblait entendue.
Quelques semaines plus tard, le 15 mars dans la matinée précisément, j’aperçois dans mon verger (auquel les chevaux n’avaient pas accès) deux daims mâles, semble-t-il assez âgés car portant des bois impressionnants. Le spectacle était magnifique et je n’y ai pas porté plus d’attention que cela après leur départ (ils se sont enfuis après qu’ils m’aient entrevu par la fenêtre). La journée se passe et en fin d’après-midi un ami me rend visite. En pleine discussion nous apercevons les deux juments galopant dans une partie de la prairie que j’avais réservée pour le foin en la séparant à l’aide d’une clôture légère (fil torsadé plastique et piquets métalliques). Elles avaient tout « embarqué ». Nous nous sommes précipités et nous avons vu les deux daims qui remontaient dans la parcelle où étaient les juments. Nous avons donc essayé de les chasser mais cela a provoqué un mouvement de panique chez elles, elles ont défoncé la barrière et se sont échappées. Nous avons essayé vainement de les rattraper, elles couraient au grand galop sur les routes. Nous avons patrouillé en voiture dans les environs, la nuit tombait, puis nous avons aperçu dans le lointain un groupe de voitures arrêtées tous feux de détresse allumés. Nous nous sommes rendus sur place et avons constaté l’accident : il y avait une voiture dans le fossé (la conductrice était heureusement indemne) et une des juments sur la route avec l’articulation du boulet antérieur droit déboîtée et déchirée, ne tenant plus que par quelques tendons. L’autre se tenait à quelque distance dans un chemin, boitant fortement du postérieur droit. Le vétérinaire dépêché sur les lieux n’a pu que constater l’état désespéré de la première jument et a dû l’euthanasier sur place. La seconde semblait avoir une entorse et il lui a fait une piqûre anti-inflammatoire. Je devais ensuite continuer ce traitement pendant quelques jours sous forme de sachets de poudre dans la nourriture. Une semaine plus tard, aucune amélioration ne se manifestant, je demandais un examen radiologique. La vétérinaire, après avoir fait des radios du boulet, concluait qu’il n’y avait pas de fracture majeure mais une entorse du boulet. Donc immobilisation en box et anti-inflammatoire. Une bonne semaine passe, toujours pas d’amélioration, la jument ne pouvait pas porter son poids sur la patte atteinte et on entendait parfois des craquements sinistres au niveau du jarret. Je rappelle le cabinet vétérinaire qui dépêche une autre vétérinaire, laquelle refait des radios (cette fois-ci du jarret) et conclut à de multiples fractures des osselets mais pas de fracture des os porteurs. On était le 12 avril soit presque un mois après l’accident. Elle décide de faire un pansement compressif (Robert-Jones pour les spécialistes) pour immobiliser au maximum l’articulation et de rajouter des anti-inflammatoires. Une semaine plus tard elle repasse en compagnie d’une collègue pour rajouter une grande atèle en bois.
Je passe sur les visites intermédiaires pour changer le pansement. Une petite amélioration s’est faite sentir durant le mois de mai, puis cela a commencé à décliner : nouvelle visite nouvelles radios, nouveau pansement etc. Les vétos voulaient toujours y croire malgré les manifestations de souffrance de notre jument que nous vivions très mal. Début juillet son état ne s’améliorait toujours pas, nouvelle visite de 2 vétos pour faire un bilan, mais elles avaient oublié l’appareil de radiologie pour contrôler l’état de la phalange du pied arrière « sain » qui supportait l’essentiel de la charge. Retour le lendemain, radio, conclusion : phalange basculée, donc plus rien à faire et euthanasie. Bilan financier : 1664€ de frais vétérinaires et 570€ de frais d’équarrissage, sans compter le bilan moral et affectif. Cet épisode qui a duré 4 mois m’a immobilisé durant tout ce temps car il fallait s’occuper de la jument 2 à 3 fois par jour, le box devant rester le plus propre possible.
A la fin de cette mésaventure je me pose quand même quelques questions sur l’attitude des vétérinaires : il y a d’abord eu une erreur de diagnostic au départ, puis ensuite, me semble-t-il un acharnement thérapeutique (je leur avais à plusieurs reprises signalé que la jument souffrait visiblement). Concernant les daims responsables de tous ces soucis (il est quasi certain que le premier accident de janvier leur est aussi imputable car ils séjournaient depuis plusieurs mois déjà dans notre secteur) un a été abattu par le lieutenant de louveterie désigné par arrêté préfectoral, mais le second, qui a réchappé, est repassé chez nous quelques jours après. Aux dernières nouvelles il court toujours dans les environs.
Ma femme et moi n’avons pas l’intention de reprendre des chevaux car cette histoire nous a traumatisés. C’est la fin d’une histoire avec les chevaux qui aura duré trente années…
Fanch